47 bâtiments classés racontent 800 ans d'histoire dans ce village médiéval
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Au cœur du département de la Corrèze, dans la région Nouvelle-Aquitaine, la commune d'Aubazines dévoile un patrimoine médiéval exceptionnel dont le fameux canal des moines qui serpente sur près de 1,5 kilomètre à flanc de colline. Cette prouesse d'ingénierie hydraulique du XIIe siècle témoigne du génie des moines cisterciens qui ont façonné ce territoire. Entre gastronomie authentique et histoire millénaire, Aubazines cultive ses traditions, notamment à travers sa spécialité culinaire emblématique : le farcidure, une recette transmise de génération en génération depuis plus de trois siècles.
Le canal des moines : 900 ans d'histoire et 1500 mètres de prouesse hydraulique
Le canal des moines d'Aubazines représente l'un des plus remarquables ouvrages hydrauliques médiévaux de France. Construit au XIIe siècle par les moines cisterciens, cet aqueduc s'étend sur 1,5 kilomètre à flanc de colline, avec une pente savamment calculée de 1,2%. Cette prouesse technique permettait d'alimenter en eau l'abbaye et les moulins environnants. Les bâtisseurs ont taillé directement dans la roche calcaire, créant un système d'acheminement d'eau qui fonctionne encore aujourd'hui, neuf siècles après sa construction.
L'ouvrage comprend également 11 ponceaux permettant de franchir les ravins, dont certains atteignent jusqu'à 4 mètres de hauteur. Ces petits ponts, construits sans mortier selon la technique de la pierre sèche, démontrent l'expertise des moines bâtisseurs. Le canal principal, large de 40 centimètres et profond de 50 centimètres, est bordé de dalles de pierre verticales qui protègent l'eau des contaminations extérieures.
Un système ingénieux de vannes et de déversoirs, dont certains éléments d'origine sont toujours visibles, permettait de réguler le débit de l'eau et d'éviter les débordements en cas de fortes pluies. Les moines avaient également prévu des bassins de décantation tous les 200 mètres pour purifier l'eau et faciliter l'entretien du canal.
Une spécialité culinaire vieille de 300 ans : le farcidure, l'âme gourmande d'Aubazines
Le farcidure d'Aubazines constitue un véritable monument de la gastronomie corrézienne. Cette boulette généreuse, composée de pommes de terre râpées et de lard, représente l'alliance parfaite entre simplicité paysanne et savoir-faire ancestral. La recette, transmise oralement depuis plus de trois siècles, nécessite un temps de préparation de 2 heures et mobilise des gestes précis, notamment pour le râpage manuel des pommes de terre.
La préparation traditionnelle requiert 1 kilogramme de pommes de terre, 200 grammes de lard, 2 œufs et un mélange secret d'herbes aromatiques propre à chaque famille. Les pommes de terre sont râpées finement, puis mélangées aux autres ingrédients pour former des boulettes de 12 centimètres de diamètre. Ces dernières sont ensuite cuites pendant 45 minutes dans un bouillon parfumé, donnant naissance à une texture unique, à la fois moelleuse à l'intérieur et légèrement croustillante en surface.
Chaque année, lors de la fête du farcidure qui se tient le premier week-end de septembre, plus de 2000 boulettes sont préparées selon la recette traditionnelle. Cet événement, qui attire plus de 1500 visiteurs, perpétue une tradition culinaire vieille de 300 ans et témoigne de l'attachement des habitants à leur patrimoine gastronomique.
Un village médiéval préservé sur 800 ans d'histoire
Le village d'Aubazines, qui s'étend sur 2 847 hectares, conserve un remarquable ensemble architectural médiéval. L'abbaye cistercienne, fondée en 1135, présente une architecture romano-gothique exceptionnelle, avec une nef de 45 mètres de long et des voûtes culminant à 15 mètres de hauteur. Les bâtiments conventuels, restaurés au XIXe siècle, abritent aujourd'hui une collection de 127 stalles en bois sculpté du XVe siècle.
Les ruelles pavées du village, dont certaines n'ont pas changé depuis le XIIIe siècle, serpentent entre des maisons aux façades de pierre blonde. On dénombre 47 bâtiments classés, témoins de l'architecture médiévale et Renaissance. La place du village, bordée d'arcades du XVe siècle, accueille depuis 600 ans le marché hebdomadaire chaque jeudi matin.