Ces 40 coups de poignard qui ensanglantèrent le plus beau château de la Loire
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L'assassinat du duc de Guise au château de Blois en 1588 marque l'un des épisodes les plus sanglants des guerres de religion en France. Cette résidence royale, construite entre le 13e et le 17e siècle, fut le théâtre d'un drame politique orchestré par le roi Henri III contre son plus puissant rival. Le château de Blois, avec ses 35 000 m² de superficie, conserve encore aujourd'hui les traces de cet événement historique qui changea le cours de l'histoire de France.
Les 4 ailes du château de Blois témoignent de 7 siècles d'architecture royale française
Le château de Blois présente une architecture unique en son genre avec ses quatre ailes distinctes construites à différentes époques. L'aile Louis XII, édifiée entre 1498 et 1503, constitue un parfait exemple du gothique flamboyant mêlé aux premières influences de la Renaissance. L'aile François Ier, construite entre 1515 et 1524, abrite le célèbre escalier à vis extérieur orné de salamandres, emblème du roi. L'aile Gaston d'Orléans, conçue par François Mansart au 17e siècle, illustre quant à elle la magnificence du style classique français.
La salle des États Généraux, située dans l'aile médiévale, a accueilli en 1588 la dernière assemblée avant la Révolution française. Cette salle immense de 650 m² pouvait accueillir jusqu'à 300 députés. Les murs, épais de plus de 2 mètres, sont ornés de peintures murales datant du 13e siècle, récemment restaurées après avoir été recouvertes pendant des siècles.
Les appartements royaux, répartis sur trois niveaux, témoignent du faste de la cour de France. La chambre d'Henri III, théâtre de l'assassinat du duc de Guise, conserve encore son décor d'origine avec ses tapisseries murales et son plafond à caissons. Le cabinet de travail adjacent, appelé "cabinet vieux", servait de lieu de réunion secret où le roi préparait ses plans contre ses adversaires politiques.
23 décembre 1588 : l'assassinat qui ensanglanta les 127 marches de l'escalier monumental
Le matin du 23 décembre 1588, Henri de Guise, chef de la Ligue catholique et surnommé "le Roi de Paris", fut convoqué au conseil royal dès 6 heures du matin. Pour atteindre la chambre du roi, il dut gravir les 127 marches de l'escalier monumental, ignorant que 45 gardes armés l'attendaient dans différentes pièces du château.
Les archives royales révèlent qu'Henri III avait minutieusement préparé son piège. Il avait fait installer huit de ses "Quarante-Cinq", sa garde personnelle, dans son cabinet privé. Le duc de Guise, malgré plusieurs avertissements reçus la veille, dont un mystérieux billet glissé sous sa serviette lors du souper qui disait "Gardez-vous, on est sur le point de vous jouer un mauvais tour", décida d'ignorer ces présages.
L'assassinat se déroula avec une violence inouïe. Les chroniques de l'époque rapportent que le duc reçut plus de quarante coups de poignard et d'épée. Son corps fut traîné dans un cabinet attenant où le roi vint le contempler, prononçant la célèbre phrase : "Mon Dieu qu'il est grand ! Il paraît encore plus grand mort que vivant." Le cadavre fut ensuite brûlé et ses cendres jetées dans la Loire pour éviter que sa tombe ne devienne un lieu de pèlerinage.
Une chambre royale de 72m² qui conserve les secrets d'un crime d'État depuis 435 ans
La chambre où fut assassiné le duc de Guise est restée pratiquement inchangée depuis le 16e siècle. Cette pièce de 72m² conserve encore les traces de l'événement, notamment une porte dérobée par laquelle les assassins firent irruption. Le lit à baldaquin, reproduction fidèle de celui d'Henri III, est placé exactement au même endroit qu'en 1588.
Les recherches archéologiques menées en 2015 ont permis de découvrir des traces de sang fossilisé dans les interstices du plancher, confirmant la violence de l'assassinat. Les experts ont également mis au jour un passage secret de 15 mètres de long, reliant la chambre royale à une tour de guet, qui aurait servi de voie d'évacuation en cas d'échec du complot.
Le lendemain de l'assassinat, le cardinal de Guise, frère du duc, fut également exécuté dans les caves du château. Ces souterrains, qui s'étendent sur plus de 1500m², servaient habituellement de celliers et de cuisines. Aujourd'hui, une partie de ces caves est ouverte aux visiteurs, permettant de découvrir l'architecture militaire médiévale et les systèmes de défense du château.