Ces habitants vivent dans des grottes à température constante de 12°C toute l'année

Dans les profondeurs calcaires du Loir-et-Cher, un village extraordinaire défie les conventions de l'habitat traditionnel. Creusé à même la roche il y a plus de 1000 ans, ce lieu unique abrite encore aujourd'hui une communauté vivante dans ses cavités naturelles et artificielles. Avec plus de 250 habitations troglodytiques réparties sur trois niveaux, dont certaines remontent au XIe siècle, ce village constitue l'un des plus grands ensembles d'habitat troglodytique encore habité en Europe.
Un dédale souterrain de 250 grottes habitées depuis plus de 1000 ans sur 3 niveaux
Le village troglodytique de Troo s'étend sur près de 120 hectares de colline calcaire, offrant un panorama exceptionnel sur la vallée du Loir. Les premiers habitants ont commencé à creuser ces habitations au XIe siècle, profitant de la malléabilité du tuffeau, une roche calcaire caractéristique de la région. Cette pierre, facile à tailler mais qui durcit au contact de l'air, a permis la création d'habitations durables et naturellement isolées.
L'organisation du village est remarquable par sa complexité architecturale. Les habitations sont disposées sur trois niveaux distincts, reliés par un réseau d'escaliers et de chemins creusés dans la roche. Cette disposition en étages permettait une utilisation optimale de l'espace et offrait une protection naturelle contre les envahisseurs. Chaque niveau possède ses spécificités : le niveau inférieur était traditionnellement réservé au stockage et aux activités artisanales, le niveau intermédiaire aux habitations principales, et le niveau supérieur aux greniers et aux postes de guet.
Un système ingénieux de cheminées et de puits de lumière, certains atteignant jusqu'à 15 mètres de profondeur, assure la ventilation et l'éclairage naturel des habitations. Ces conduits, creusés à la verticale, témoignent d'une maîtrise impressionnante des techniques de construction souterraine. La température à l'intérieur des grottes reste stable tout au long de l'année, oscillant entre 12 et 14 degrés, ce qui en fait des habitations naturellement économes en énergie.
La grotte pétrifiante : un phénomène géologique unique qui crée 2 cm de calcaire par siècle
L'une des particularités les plus fascinantes de Troo est sa grotte pétrifiante. Cette cavité naturelle présente un phénomène géologique rare : l'eau, chargée en calcaire, s'infiltre à travers la roche et crée des formations de stalactites et de stalagmites qui grandissent d'environ 2 centimètres par siècle. Les habitants ont historiquement utilisé cette propriété pour créer des sculptures naturelles en plaçant des objets sous les gouttes d'eau calcaire.
Au fil des siècles, les habitants ont développé des techniques spécifiques pour aménager leurs demeures troglodytiques. Les murs intérieurs sont souvent blanchis à la chaux pour maximiser la luminosité, et des niches sont creusées dans la roche pour servir d'étagères ou de placards. Certaines habitations possèdent même des caves à vin naturelles, où la température et l'humidité constantes créent des conditions idéales pour la conservation du vin.
Le village compte également un réseau de galeries souterraines s'étendant sur plus de 3 kilomètres. Ces passages, dont certains restent inexplorés, servaient autrefois de refuge en temps de guerre et de voies de communication secrètes. Des marques gravées dans la roche, datant du Moyen Âge, permettent encore aujourd'hui de s'orienter dans ce labyrinthe souterrain.
Un écosystème souterrain unique abritant 15 espèces de chauves-souris rares
Les grottes de Troo abritent une population importante de chauves-souris, avec 15 espèces différentes recensées, dont certaines sont protégées au niveau européen. Ces mammifères volants trouvent dans les cavités un habitat idéal pour l'hibernation et la reproduction. La présence de ces animaux a contribué à la classification de certaines parties du site en zone naturelle protégée.
L'histoire du village est également marquée par la présence d'une église souterraine du XIIe siècle, partiellement creusée dans la roche. Cette église, dédiée à Saint-Gabriel, présente des fresques médiévales remarquablement conservées grâce aux conditions climatiques stables des grottes. Les archéologues y ont découvert des graffitis datant du XIIIe siècle, témoignant de la vie quotidienne des habitants médiévaux.