Le premier orang-outan de France vivait dans cette chambre chauffée du château impérial

La Malmaison, située à Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine, représente l'un des témoignages les plus intimes de la vie de Napoléon Bonaparte et Joséphine. Cette demeure historique, acquise en 1799 par Joséphine Bonaparte pour 325 000 francs, est devenue le théâtre de nombreux événements qui ont marqué l'histoire de France. Sur une superficie de 726 hectares à l'époque de son acquisition, le domaine abritait non seulement le château mais aussi les célèbres jardins où Joséphine cultivait sa passion pour la botanique et plus particulièrement pour les roses.

Les 240 variétés de roses de Joséphine : la plus grande collection d'Europe en 1810

La roseraie de la Malmaison constitue l'héritage le plus remarquable de l'impératrice Joséphine. Entre 1804 et 1814, elle rassembla une collection exceptionnelle de 250 variétés de roses différentes, faisant de son jardin le plus important d'Europe à cette époque. Les botanistes de toute l'Europe lui envoyaient leurs plus belles découvertes. Joséphine employait pas moins de 30 jardiniers pour entretenir ses précieuses roses, dont certaines espèces portent encore aujourd'hui son nom comme la "Souvenir de la Malmaison".

Le jardin botanique de Joséphine ne se limitait pas aux roses. Elle y cultivait également plus de 200 espèces de plantes exotiques, dont certaines découvertes lors des campagnes napoléoniennes. Les serres chaudes, construites spécialement pour accueillir ces espèces rares, coûtaient à l'époque 18 000 francs par an en chauffage, une somme colossale qui représentait le salaire annuel de 60 ouvriers qualifiés.

Un fait peu connu est que Joséphine introduisit en France le dahlia mexicain en 1804, ainsi que 150 espèces d'eucalyptus venus d'Australie. Les registres de la Malmaison indiquent qu'elle dépensa plus de 2 millions de francs pour ses collections botaniques entre 1805 et 1814, soit l'équivalent de plusieurs dizaines de millions d'euros actuels.

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Un château qui abrita 150 tableaux de maîtres et le bureau où Napoléon signa son abdication

Le château lui-même, avec ses 1 200 m² habitables, fut le théâtre d'événements historiques majeurs. C'est dans son bureau au premier étage que Napoléon signa son abdication le 29 juin 1815, après la défaite de Waterloo. Cette pièce, conservée dans son état d'origine, contient encore le bureau en acajou sur lequel fut signé ce document historique.

La collection d'art de la Malmaison était exceptionnelle. Joséphine y avait rassemblé plus de 150 tableaux de maîtres, dont des œuvres de Raphaël, Le Corrège et Véronèse. La galerie de tableaux, longue de 30 mètres, était considérée comme l'une des plus belles collections privées d'Europe. Aujourd'hui, seule une partie de cette collection est encore visible au château.

L'aménagement intérieur du château reflétait le goût raffiné de ses propriétaires. Les archives mentionnent que Joséphine dépensa 300 000 francs uniquement pour les meubles et les tissus. Les architectes Percier et Fontaine créèrent un décor dans le style "retour d'Égypte", inspiré par la campagne de Bonaparte, avec des sphinx, des palmettes et des motifs égyptiens qui ornent encore les murs.

Un domaine qui accueillit 3000 visiteurs en 1800 pour admirer la ménagerie exotique

La ménagerie de la Malmaison était une attraction majeure au début du XIXe siècle. Joséphine y collectionnait des animaux exotiques : kangourous d'Australie, émeus, cygnes noirs, et même un orang-outan nommé Rose qui avait sa propre chambre chauffée. Les registres indiquent que plus de 3000 visiteurs vinrent admirer cette collection unique en 1800.

Entre 1800 et 1802, période où la Malmaison servait de résidence officielle du gouvernement, le château accueillait régulièrement jusqu'à 100 invités par jour. Les cuisines, équipées de six fourneaux, préparaient quotidiennement des repas pour 60 à 80 convives. Le livre de comptes révèle que les dépenses mensuelles pour la table s'élevaient à 25 000 francs.

Après son divorce avec Napoléon en 1809, Joséphine continua à résider à la Malmaison jusqu'à sa mort en 1814. Elle y mourut dans sa chambre, dont la décoration d'origine a été préservée, y compris le lit à baldaquin où elle rendit son dernier souffle. Le coût total des travaux et aménagements réalisés par Joséphine à la Malmaison s'éleva à plus de 4 millions de francs, une somme astronomique pour l'époque.