À 4 km de la mer, ce château normand a accueilli la première visite d'un monarque britannique

Le Château d'Eu, résidence historique située en Normandie, représente un témoignage exceptionnel des relations franco-britanniques du XIXe siècle. Cette demeure royale, acquise par Louis-Philippe en 1830, devint le théâtre de rencontres diplomatiques majeures entre la France et le Royaume-Uni. C'est dans ce cadre somptueux que la reine Victoria effectua ses premières visites officielles en France, marquant ainsi le début d'une nouvelle ère dans les relations entre les deux nations.

Un château millénaire qui accueille les premières visites d'un monarque britannique en France depuis 400 ans

Le Château d'Eu, dont l'histoire remonte au XIe siècle, s'étend sur plus de 10 000 m² de surface habitable. En 1430, le comte Charles d'Artois entreprend sa reconstruction, donnant au château sa physionomie actuelle. Louis-Philippe, qui en fait l'acquisition en 1830 pour 300 000 francs-or, le transforme en résidence d'été royale et y entreprend d'importants travaux de modernisation estimés à plus de 2 millions de francs de l'époque.

En septembre 1843, le château connaît un événement historique majeur : la première visite de la reine Victoria sur le sol français. Cette visite, qui dure cinq jours, marque la première fois qu'un monarque britannique se rend officiellement en France depuis Henri VIII en 1520. Victoria arrive à bord du yacht royal "Victoria and Albert", accostant au Tréport, port situé à seulement 4 kilomètres du château.

Les appartements royaux, spécialement aménagés pour l'occasion, témoignent du luxe de l'époque. La chambre de la reine Victoria, située dans l'aile est du château, conserve encore aujourd'hui son mobilier d'origine, dont un lit à baldaquin commandé spécialement pour l'occasion et coûtant 50 000 francs de l'époque. Les tapisseries des Gobelins qui ornent les murs ont nécessité trois ans de travail.

Vidéo du jour

La galerie des Guise : 400 ans d'histoire de France en 96 portraits historiques

La galerie des Guise, pièce maîtresse du château s'étendant sur 50 mètres de long, abrite une collection exceptionnelle de 96 portraits historiques retraçant l'histoire de France du XVIe au XIXe siècle. Louis-Philippe, passionné d'histoire, fait restaurer cette galerie en 1837 pour un coût de 150 000 francs. Chaque portrait est accompagné d'une notice historique rédigée par le roi lui-même.

Le château devient un lieu de villégiature privilégié pour Louis-Philippe qui y séjourne chaque été pendant 15 à 20 jours. Il y fait installer en 1835 le premier système de chauffage central en France, une innovation technique remarquable pour l'époque. Les cuisines, modernisées, peuvent servir jusqu'à 200 couverts par jour lors des réceptions officielles.

La bibliothèque du château, riche de plus de 40 000 volumes, dont certains remontent au XVe siècle, témoigne de l'importance intellectuelle du lieu. Louis-Philippe y fait ajouter plus de 3 000 ouvrages traitant spécifiquement de l'histoire de France et d'Angleterre.

Un parc de 120 hectares dessiné par les plus grands paysagistes du XIXe siècle

Le parc du château, redessiné sous la direction du célèbre paysagiste Martin-Pierre Gaertner, s'étend sur 120 hectares. Il comprend une forêt aménagée de 80 hectares, des jardins à la française et un jardin anglais de 40 hectares. La grande terrasse, longue de 800 mètres, offre une vue imprenable sur la Manche et fut le lieu de nombreuses promenades de la reine Victoria lors de ses visites.

En 1845, lors de sa seconde visite, Victoria note dans son journal intime : "Le parc est l'un des plus beaux que j'ai jamais vus, avec ses allées majestueuses bordées de hêtres centenaires". Ces arbres, dont certains atteignent aujourd'hui 45 mètres de hauteur, sont toujours visibles.

Les écuries du château, construites en 1844, pouvaient accueillir jusqu'à 100 chevaux et 40 voitures. Lors des visites royales, plus de 50 palefreniers y travaillaient pour assurer le service des équipages. Le coût annuel d'entretien des écuries s'élevait à 100 000 francs, soit l'équivalent de plusieurs millions d'euros actuels.