À 8 habitants au km², ce village conserve intact son plan cadastral du XIIIe siècle
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Au cœur du Loiret, un village médiéval de seulement 80 habitants perpétue l'histoire de la France féodale depuis plus de huit siècles. Ses ruelles pavées, ses remparts et sa forteresse du XIIe siècle transportent les visiteurs dans une authenticité préservée que même le temps n'a pas altérée. Yèvre-le-Châtel, avec sa très faible densité de population, offre une immersion totale dans un Moyen Âge resté intact, loin des reconstitutions touristiques habituelles.
Une forteresse militaire du XIIe siècle qui surplombe la vallée sur plus de 30 mètres de hauteur
La forteresse de Yèvre-le-Châtel, construite sous Philippe Auguste entre 1184 et 1190, représente l'un des plus remarquables exemples d'architecture militaire médiévale en France. Ses quatre tours d'angle massives, reliées par des courtines de 2,5 mètres d'épaisseur, témoignent de l'ingéniosité défensive de l'époque. Les mâchicoulis, encore parfaitement conservés, permettaient aux défenseurs de surveiller un territoire s'étendant sur plus de 20 kilomètres à la ronde.
L'enceinte fortifiée, qui s'étend sur près de 3000 mètres carrés, abrite une cour intérieure où subsistent les vestiges d'un logis seigneurial. Les archéologues ont mis au jour des traces d'occupation remontant au XIe siècle, notamment des céramiques et des objets métalliques qui révèlent la vie quotidienne des premiers habitants. Un système de collecte des eaux pluviales, particulièrement innovant pour l'époque, permettait d'alimenter une citerne souterraine d'une capacité de 50 000 litres.
Les recherches historiques ont révélé que la forteresse servit de point d'appui stratégique pendant la guerre de Cent Ans. En 1358, elle résista victorieusement à un siège de trois semaines mené par les troupes anglaises. Les archives mentionnent que seulement 25 hommes d'armes suffirent à défendre efficacement la place, grâce à l'ingéniosité de son architecture défensive.
Des ruelles médiévales préservées depuis 800 ans sur plus de 5 hectares
Le village, qui s'étend sur environ 5 hectares, conserve un tracé urbain medieval quasi intact. Les ruelles, dont certaines ne dépassent pas 2 mètres de large, suivent encore exactement le plan cadastral du XIIIe siècle. Les maisons, construites en pierre calcaire locale, présentent des caractéristiques architecturales uniques : portes ogivales, fenêtres à meneaux et caves voûtées témoignent d'un savoir-faire artisanal préservé.
L'église Saint-Gault, datant du XIIIe siècle, constitue un exemple remarquable du premier art gothique. Sa nef unique de 15 mètres de hauteur est éclairée par des vitraux d'origine, miraculeux rescapés des guerres successives. Les archéologues ont découvert sous le dallage les fondations d'un édifice roman antérieur, attestant d'une occupation religieuse remontant au XIe siècle.
Un fait peu connu est que le village abrite encore 12 puits médiévaux en parfait état de conservation. Ces puits, profonds de 15 à 20 mètres, étaient reliés entre eux par un réseau souterrain de galeries, permettant aux habitants de s'approvisionner en eau même en cas de siège. Cette particularité hydraulique fait de Yèvre-le-Châtel un cas unique dans l'architecture médiévale française.
Une vie villageoise authentique maintenue par 80 habitants passionnés
Les 80 habitants actuels perpétuent des traditions séculaires. Le four à pain communal, datant du XVe siècle, est encore utilisé six fois par an pour des cuissons collectives. Cette tradition, interrompue pendant près d'un siècle, a été réactivée en 1985 par les villageois. Le pain est préparé selon une recette médiévale retrouvée dans les archives départementales.
La densité de population exceptionnellement faible, environ 8 habitants au kilomètre carré, permet de maintenir l'atmosphère médiévale du village. Les maisons historiques, dont certaines datent du XIIIe siècle, sont habitées et entretenues par des passionnés qui respectent scrupuleusement les techniques de restauration traditionnelles. Un artisan tailleur de pierre, installé dans le village depuis 30 ans, forme régulièrement des apprentis aux gestes ancestraux.