Ce château de Dordogne a caché 127 résistants dans ses 4000m² pendant l'occupation
Le Château de Hautefort, édifice majestueux du XVIIe siècle en Dordogne, incarne l'histoire d'une résistance héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale. La Comtesse Simone de Hautefort, figure emblématique de la Résistance française, a transformé cette demeure aristocratique en un centre névralgique de la lutte contre l'occupation nazie. Son engagement sans faille et son courage ont permis de sauver des dizaines de vies, faisant du château un symbole de la résilience française face à l'adversité.
Un château de 4000m² qui servit de refuge à plus de 100 résistants entre 1940 et 1944
Le Château de Hautefort, avec ses 4000m² de surface habitable répartis sur trois niveaux, fut transformé par la Comtesse en un véritable sanctuaire pour les résistants. Les vastes caves voûtées, s'étendant sur plus de 500m², ont servi de cachettes pour les combattants de l'ombre. Les souterrains, dont certains passages secrets remontent au Moyen Âge, permettaient des évacuations discrètes en cas de danger imminent.
La Comtesse avait méticuleusement organisé un système de surveillance impliquant plus de 20 personnes du village. Des guetteurs postés dans la tour nord, culminant à 40 mètres de hauteur, scrutaient les environs pour repérer les patrouilles allemandes. Cette organisation permit de sauver 127 résistants et juifs persécutés entre 1940 et 1944. Les jardins à la française, couvrant 12 hectares, jouèrent également un rôle crucial.
Leurs bosquets touffus et leurs parterres géométriques dissimulaient des caches d'armes et de documents. Les jardiniers du domaine, complices de la Comtesse, entretenaient un potager de 2000m² qui assurait la subsistance des réfugiés.
La reconstruction titanesque de 1968 : 15 années de travaux pour effacer les flammes
Le 30 août 1968, un terrible incendie ravagea le château, détruisant 80% de la structure et des collections historiques. La Comtesse, alors âgée de 60 ans, refusa de voir disparaître ce symbole de la Résistance.
Elle entreprit une reconstruction monumentale qui dura 15 années et mobilisa plus de 500 artisans. Les travaux nécessitèrent 25 000 ardoises pour la toiture, 1200 mètres cubes de pierre de taille locale, et la restauration de 147 fenêtres. Les artisans reproduisirent fidèlement les boiseries du XVIIe siècle, utilisant les mêmes techniques ancestrales. Le coût total de la reconstruction atteignit l'équivalent de 15 millions d'euros actuels. La bibliothèque, qui abritait pendant la guerre des documents secrets de la Résistance, fut entièrement reconstituée.
Elle compte aujourd'hui plus de 3000 volumes, dont certains datent du XVIe siècle. Les archives de la Résistance, miraculeusement sauvées des flammes, sont conservées dans une salle spéciale, témoignant de cette période héroïque. Les appartements privés de la Comtesse, situés dans l'aile est, ont été préservés dans leur état d'origine. On peut y voir son bureau, d'où elle coordonnait les activités de résistance, et sa chambre avec son mobilier d'époque. Un passage secret, dissimulé derrière une tapisserie, permettait une évacuation rapide vers les jardins.
Un musée vivant de 300 ans d'histoire : de Louis XIII à la Résistance
Aujourd'hui, le Château de Hautefort accueille plus de 100 000 visiteurs par an. Les 40 pièces ouvertes au public retracent 300 ans d'histoire, de l'époque de Louis XIII jusqu'à la Résistance. La salle des gardes, avec ses 200m², expose une collection unique d'armes et d'uniformes d'époque. Les cuisines historiques, parfaitement conservées avec leurs 15 fourneaux en fonte, témoignent de l'organisation nécessaire pour nourrir discrètement les résistants.
Les registres de l'époque révèlent que plus de 50 000 repas furent servis clandestinement entre 1940 et 1944. Le parc du château abrite également un mémorial dédié aux 23 résistants de la région morts pour la France. Chaque année, une cérémonie rassemble plus de 500 personnes pour honorer leur mémoire et celle de la Comtesse de Hautefort, décédée en 1988.