Goût et saveurs : découvrez comment notre perception évolue avec l'âge (et pourquoi les femmes sont plus sensibles !)
Nous avons tous fait l'expérience de trouver un même plat délicieux ou au contraire bien fade par rapport à nos proches. Et ce n'est pas qu'une question d'habitude ou de préférences alimentaires. Des chercheurs espagnols viennent en effet de démontrer que notre sensibilité aux 5 saveurs de base (sucré, salé, amer, acide et umami) varie grandement en fonction de notre âge et de notre sexe. Décryptage de ces travaux passionnants, qui nous en disent long sur le fonctionnement encore mystérieux de notre palais.
Un protocole d'étude minutieux pour évaluer la perception gustative
Pour mener à bien leur étude, les scientifiques ont recruté plus de 1000 participants âgés de 18 à 80 ans, avec une répartition équilibrée homme-femme. Chaque volontaire a dû goûter des solutions contenant différentes concentrations de composés représentatifs des 5 saveurs fondamentales :
- La PROP (6-n-propylthiouracil) pour l'amertume
- Le saccharose pour le sucré
- Le chlorure de sodium pour le salé
- L'acide citrique pour l'acide
- Le glutamate pour l'umami.
Les participants devaient ensuite noter l'intensité perçue sur une échelle de 0 à 5. En parallèle, des tests génétiques ont été menés sur 3 gènes liés à la perception du goût.
Une baisse générale de la sensibilité gustative avec l'âge
Premier constat sans appel de cette étude : notre perception des saveurs diminue avec l'âge, et ce pour les 5 goûts de base. Le déclin est particulièrement marqué pour l'amertume et l'acidité. En cause, un moins bon fonctionnement des récepteurs gustatifs situés sur la langue, lié au vieillissement naturel.
Cette perte de sensibilité pourrait avoir un impact sur les choix alimentaires et l'appétit des seniors, comme l'explique le Dr Robino, co-auteur de l'étude : "Une perception gustative altérée peut conduire à une perte d'intérêt pour certains aliments riches en saveurs comme les légumes verts amers ou les agrumes. Cela peut favoriser une alimentation monotone et des carences."
Les femmes ont un palais plus sensible
Autre enseignement de l'étude : à âge égal, les femmes perçoivent les 5 saveurs de façon plus intense que les hommes. L'écart est surtout visible pour l'acide et l'amer.
Ce résultat confirme des observations déjà rapportées dans de précédents travaux. "Les femmes semblent avoir un palais naturellement plus fin, peut-être pour mieux guider leurs choix alimentaires et détecter d'éventuels aliments avariés durant les périodes de grossesse et d'allaitement" commente le Dr Robino.
Des variations génétiques individuelles
Enfin, l'analyse génétique a montré que des variations sur le gène TAS2R38 influencent grandement la sensibilité à l'amertume. Les porteurs de certaines versions du gène (appelés "super goûteurs") y sont extrêmement sensibles, quand d'autres ne la perçoivent quasiment pas.
Des liens ont aussi été établis entre des variantes des gènes TAS1R2 et SCNN1B et la perception du sucré et du salé, mais de façon moins nette. "Nos gènes jouent clairement un rôle dans notre sensibilité gustative, en interaction avec d'autres facteurs comme l'âge et le sexe" résume le Dr Robino.
Un lien complexe entre perception et préférences alimentaires
L'étude s'est aussi penchée sur les préférences gustatives déclarées des participants (via un questionnaire). Résultat surprenant : une sensibilité accrue pour une saveur n'implique pas forcément une préférence pour celle-ci. Ainsi, les "super goûteurs" de l'amer n'apprécient pas spécialement les aliments qui le sont.
Le lien perception-préférences semble donc complexe et subtil, d'autant que des interactions existent entre saveurs (préférer le sucré est par exemple associé à aimer aussi l'acide). "Mieux comprendre les facteurs influençant les préférences est un enjeu crucial de santé publique, car elles conditionnent en partie nos choix alimentaires et donc notre santé" souligne le Dr Robino.
Des pistes pour une alimentation personnalisée
Au final, cette étude illustre la grande variabilité de perception gustative qui existe entre individus, en fonction de l'âge, du sexe et du patrimoine génétique notamment. Une hétérogénéité dont il faudra de plus en plus tenir compte selon les auteurs.
"A l'avenir, une meilleure connaissance de la sensibilité propre à chacun pourrait permettre de personnaliser les recommandations alimentaires et d'adapter l'offre pour que tous puissent manger de façon saine et équilibrée tout en se faisant plaisir " conclut le Dr Robino. De quoi ouvrir la voie à une alimentation 100% personnalisée !
Les questions que vous vous posez sur la perception du goût
Peut-on augmenter sa sensibilité gustative en vieillissant ?
Malheureusement non, la baisse liée à l'âge est un processus naturel et inéluctable. Mais on peut compenser en variant au maximum les saveurs dans son alimentation et en prenant soin de bien mastiquer pour stimuler les récepteurs.
Les hommes doivent-ils plus saler que les femmes ?
Pas forcément. Même si les femmes détectent mieux la saveur salée, tout excès de sel est mauvais pour la santé. La modération est la règle, quel que soit son sexe ! Limitez-vous à 5 g par jour maximum, soit une petite cuillère à café.
Les tests génétiques peuvent-ils prédire nos préférences alimentaires ?
Non, car ce lien n'est pas direct. De multiples facteurs entrent en compte comme l'âge, le sexe, l'environnement familial et culturel ou encore les expériences gustatives vécues depuis l'enfance. Un bilan génétique ne suffira donc pas à établir votre profil gustatif complet.
En résumé, fortes de plus de 1000 participants suivis avec rigueur, ces recherches lèvent un coin du voile sur la grande diversité de sensibilités gustatives qui existe au sein de la population. Des résultats prometteurs qui ouvrent la voie à une alimentation sur-mesure, tenant compte des caractéristiques propres à chacun pour un plaisir et une santé optimisés !