Loretta Breuning : "Nos hormones du bonheur fonctionnent comme chez les animaux !"
Dopamine, ocytocine, sérotonine, endorphines... On les appelle les "hormones du bonheur", ces messagers chimiques qui régulent notre humeur, notre motivation et notre sentiment de plaisir. Mais saviez-vous que leur fonctionnement était directement hérité du monde animal ? C'est ce que révèle Loretta Breuning, professeur émérite en management et experte en comportement animal, dans son livre "Vos hormones du bonheur en lumière". Rencontre passionnante.
Les hormones du bonheur, une survivance animale ?
Pour Loretta Breuning, notre cerveau "mammifère" fonctionne encore largement comme celui des animaux, avec un système de récompense basé sur ces 4 hormones clés :
- La dopamine, hormone de la motivation et de l'anticipation du plaisir
- L'ocytocine, hormone de l'attachement et du lien social
- La sérotonine, hormone de l'estime de soi et du sentiment d'importance
- Les endorphines, hormones anti-douleur et de l'euphorie
Chez les animaux, ces hormones sont sécrétées par pics, pour motiver des actions spécifiques liées à la survie : trouver de la nourriture (dopamine), s'attacher à son groupe (ocytocine), établir son rang (sérotonine), fuir ou combattre (endorphines)...
Même si nos défis ont changé, ces mécanismes sont toujours à l'œuvre chez l'homme moderne. Comprendre cette mécanique "animale" peut nous aider à mieux répondre à nos besoins fondamentaux et accéder au bien-être.
Dopamine : l'anticipation prime sur la récompense
L'exemple de la dopamine est frappant. Chez l'animal, elle motive la recherche de nourriture mais s'arrête dès que celle-ci est consommée. Le plaisir vient plus de la chasse que de la satisfaction du besoin.
De même, chez l'humain, la dopamine est à son maximum lorsqu'on anticipe quelque chose qu'on désire : une promotion, un rendez-vous amoureux, un achat... Mais le pic retombe vite une fois l'objet obtenu, nous poussant à repartir en quête d'un nouveau "challenge". C'est un cycle sans fin, qu'il faut savoir rééquilibrer.
Pour entretenir sa dopamine, Loretta Breuning conseille donc de se fixer régulièrement de nouveaux objectifs, ni trop faciles ni trop difficiles, et de célébrer chaque petite victoire. Miser sur l'expérience plus que sur la récompense finale.
Ocytocine : tisser des liens sélectifs
L'ocytocine est souvent qualifiée d'hormone de l'amour et des câlins. Mais son rôle premier est de favoriser la cohésion du groupe chez les animaux grégaires. Elle récompense les comportements d'entraide et de coopération, essentiels à la survie.
Chez l'humain aussi, l'ocytocine renforce les liens de confiance et d'attachement avec nos proches. Mais attention, prévient la chercheuse, elle ne se libère pleinement qu'avec des personnes familières et fiables. Multiplier les câlins avec des inconnus ne "dope" pas l'ocytocine, au contraire !
Pour stimuler cette hormone, Loretta Breuning recommande donc de cultiver en priorité ses relations intimes : caresses physiques avec son partenaire, jeux et complicité avec ses enfants, moments de partage avec ses meilleurs amis... C'est la qualité des liens qui prime sur la quantité.
Sérotonine : se sentir important, mais pas trop
La sérotonine est liée au sentiment de confiance et de reconnaissance. Chez les animaux, elle récompense les comportements dominants et l'accès à un statut élevé dans la hiérarchie. Mais cette compétition a un coût, car le "leader" doit sans cesse défendre sa place.
Chez l'humain, la sérotonine est stimulée lorsqu'on se sent important, respecté, admiré. Mais cette quête de reconnaissance peut virer à l'obsession et générer frustation et agressivité. D'où l'importance de trouver un juste équilibre.
Pour "doser" sa sérotonine, il est essentiel de trouver des moyens d'être fier de soi et de ses réalisations, sans tomber dans la comparaison permanente avec les autres. Par exemple, en se fixant des défis personnels et en savourant ses progrès. Ou en admirant les qualités uniques de ses proches, plutôt que de se sentir en compétition.
Endorphines : l'euphorie au naturel
Les endorphines sont surtout connues pour leurs effets antidouleur et euphorisants, notamment lors d'un effort physique intense (le fameux "runner's high"). Mais leur fonction première est d'aider l'organisme à réagir en cas de stress ou de danger.
Chez l'animal comme chez l'homme, la montée d'endorphines permet de mobiliser l'énergie et de dépasser ses limites en cas de menace. Elle procure un sentiment de force et d'invincibilité temporaire.
Pour stimuler légèrement ses endorphines sans se mettre en danger, on peut pratiquer une activité physique modérée mais régulière, qui "muscle" la réponse au stress. Ou encore s'exposer à des sensations inhabituelles comme le froid, le chaud, ou certains sons (musique, chuchotements ASMR...) qui déclenchent des "frissons".
En conclusion : apprivoisez vos hormones "animales" !
Les hormones du bonheur fonctionnent par pics temporaires et non en flux continu. Elles répondent à des stimuli et à des comportements spécifiques, hérités de nos ancêtres mammifères.
Plutôt que de les subir ou de les "forcer", mieux vaut composer avec cette mécanique naturelle. En variant les plaisirs, en alternant les moments d'effort et de récompense, en cultivant des liens de qualité, vous envoyez les bons signaux à votre cerveau "animal".
Ce n'est pas toujours facile, car nos pistes "négatives" (peur, colère, anxiété...) sont souvent plus rapides que les circuits "positifs". Mais en répétant chaque jour des petits gestes et pensées sources de bien-être, on crée de nouveaux automatismes.
Comme le dit Loretta Breuning, "on a le pouvoir de reprogrammer son cerveau, à force de répétitions patientes et ciblées". Ainsi, on peut retrouver un équilibre hormonal naturellement. En somme, apprivoiser son "animal intérieur" !